Eléments
Mer émue, Canadel, août 2019​

Mer, tu es si humaine
Un grain de vent comme une phrase d’un poème
Et tes éléments se mettent en mouvement
En surface certainement.

Si c’est la nuit alors la tempête est sûrement un cauchemar
Dans un lit mouvant, empêchée par une longue robe noire
Elle appelle toutes les étoiles pour un réconfort géant
Souvent cela sera la lune qui la rendort en apposant sa trace d’argent.

Le jour, la conversation avec le continent la nourrit
Matin reposée, elle ondule comme un drap étiré de la Tunisie à l’Italie
Sous le soleil, le vent de terre peut lui faire donner de la voix
Les vagues alors écument de colère et claquent comme trois doigts.

Mais que se passe-t-il sous cette peau tressaillant et sensible ?
Corps d’eau qui me ressemble, j’y plonge la tête et en regardant tout autour le silence est audible.
Le calme sous la surface, les milliards de molécules d’eau des temps anciens m’enveloppent,
Ma nature profonde, un équilibre, mon masculin et féminin se redéveloppent.

Le capitaine du grand voilier de la vie apprend à lire ses humeurs de surface
Quille profonde, en recherche de la gravité avec la juste audace
Voile dehors, d’un blanc immaculé pour apaiser les éléments,
Il navigue sur les interfaces pour goûter du beau présent.

Tes Coquelicots du Péloponnèse, Grèce, mai 2019

Tout autour rien ne bouge,
Et là la touche de pinceau rouge
Sur ces champs d’oliviers verts,
Est-ce l’œuvre d’un nouvel Homère ?

Le grenat des trois pétales
Du Nord au Sud de la vallée s’étale,
Fragile et éphémère
Entre ces pierres millénaires,
Tiges bercées par le vent marin
Et l’odeur forte du jasmin.

Clin d’œil à nos cœurs
J’ai du bonheur
Sa main dans ma main
C’est encore le matin
Coquelicots dans ses cheveux
Pour nous mille vœux.

Métro, un soir, Paris 2018

Déhanchement subtil au rythme électronique,
Porté par la transe, je bondis électrique.
Plonge.
Dans ce métro, un laisser-aller, emporté,
Sens alors croisent
Homme en soutane
Femme allongée, demande d’obole
Aveugle, glissement de la canne sur le quai.
Main sur son bras amoureux,
Jeunesse aux yeux et gilets bleus symétriques,
Affiche passée en accéléré, visages qui se confondent,
Je me vois dans ses lunettes fumées.
Tatouage, feuillages sur son bras.
Petit bonhomme à la langue inconnue,
Rit de son image,
Et me regarde, heureux.

 

Alcool, 2002 

Partout ce béni réceptacle
Recueille quelques âmes esseulées.
Elles y arrivent par leurs instincts.

Pour un îlot, pour un spectacle,
Panser un aujourd’hui blessé,
S’évader pour tout et pour rien.

Accoudé, le monde devient mille,
Les reflets des glaces et du verre,
Irisation, lumières teintées.

Ailleurs, concentré dans la bulle
Qui se glisse souple vers l’atmosphère
D’un être qui veut les oublier.

Premiers pas, 2000

Premiers pas, petit inconnu,
À ces deux mains douces, accrochées,
Suspendues comme à un trapèze,
Il danse sur la ligne mosaïque.

Pareil aux trois lampes suspendues,
Que le vent chaud fait osciller,
Son jeune corps jamais ne pèse
Pivote sur les points céramiques.

Les dessins du sol coloriés
Dans ses yeux sont en dimension,
Là, par-dessus le bleu profond,
Pieds joints sur les tons relevés.

Le Café du Fer à Cheval, 1999

Laissez-moi ce jour vous compter
La romance d’un calme café.

Posé sur cette vieille Rue du Temple,
Tout ouvert, tables sur les pavés,
Attend la vie, peut-être contemple
Et donne à boire aux adossés.

Valse, bal musette, notes populaires,
Les disques dès l’aube diffusent leurs airs,
Couverts au bar pour le saoul homme,
Grisé par les tasses rassemblées.
Là les notes vont et viennent, fredonnent
Glissent au dehors pour s’évader.

Six, près du zinc original
Leurs privilèges, les bacchanales.

Un tablier blanc, gilet noir
Entre les tables, ils tournent gais,
Témoins de ces années, miroirs,
La sève entre les verres de vins frais.

Lune rousse, 1999

L’ombre sur cette partie de terre est la plus profonde.
Doucement les hommes un à un se sont courbés,
A l’horizontal, leurs corps se permettent des ondes.
L’âme espiègle profite de cette inconscience rêvée
Pour de l’enveloppe calme et confiante s’affranchir,
Et boire le céleste spectacle qui va s’accomplir.

À travers les mille imperfections du décor
Celles qui ont senti l’appel alors s’interrogent.
Est-ce Pages ou Princes filant vers les articles d’or ?
Est-ce les torches des rois qui font briller les toges ?
Le ciel fébrile s’agite, des éclairs de chaleur,
Voilà l’attendue, la lune ….et ses belles rondeurs.

Misère, 1998

L’homme est assis, presque seul, il ne boit plus.

Sa tête, comme un hochet de misère, est penchée,

Très légèrement, afin de ne plus regarder.

Inde, 1998

Soleil ce soir est une enclume
Jaune de feu et rouge couleur sang.
Portée la soie rose et grenat,
Le coton orange et vert vif
Là s’embrasent et éclatent de joie.

Partout leur terre immense fume,
La poussière d’un troupeau trop grand
Dresse un voile diaphane, éclatant,
Autour du pâtre inoffensif.
L’enfant rit, il est là tout droit.

Le temps s’arrête pour l’homme âgé,
Replié sur sa terre, il est.
Son corps fin, savamment drapé
Le fait roi des mages ou prophète.
Un turban jaune égaye sa tête.

Assis là il est reposé,
Sent la vie qui coule sur ses traits,
Ses yeux très doux se sont fermés.
Alors peut-être il se projette
Dans le jardin des âmes en fête.

Les rides de leurs beaux visages sont
Les lignes d’un conte en lettres sanskrit
Mais l’œil rouge frappe l’indiscrétion,
Hypnotisé, les mots, derrière
Les peaux brunes, s’étiolent dans ce jour.

Un papillon, 1996

…..
Sur ses ailes on découvrait deux beaux cercles noirs symétriques,
Comme des yeux ouverts pour scruter le monde et percer la nuit.
Et le battement de ses ailes comme des mouvement de cils ne laissaient ses yeux que s’imprégner de la rapide alternance.
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